Ma 1ère rencontre avec Maitre Wang remonte à Octobre 1988.
C’est le 1er cours de TaiJi à Baugé : Marianne nous montre des photos de Maitre Wang sur le grand livre rouge.
Elle fait visiblement partie du fan club, on est à la limite du culte de la personnalité surtout quand elle nous soutient qu’à plus de 75 ans, Lao Shi conserve ses cheveux noirs grâce aux bienfaits du tai chi.
Je ne la contredis pas, j’ai trop envie d’y croire pour m’éviter les questions dérangeantes sur les cheveux également noirs de mon papa qui a quasi le même âge.
J’avoue que je ne suis pas séduite par le charisme de ce petit homme vêtu de blanc ; je ne cherche pas un maitre (c’est la signification de Lao Shi ) je suis juste venue découvrir le tai chi.
L’été suivant, je le rencontre en vrai à Chatillon pour un stage de quelques jours : trop débutante, trop « électron libre » je le perçois autoritaire lointain et parfois un peu méprisant dans ses réponses à nos questions.
Je l’ écoute attentivement mais quelque part au fond de moi il y a cette étincelle de révolte qui m’empêche de m’inscrire au fan club.
Quelques années plus tard, lors de son retour à Angers, on m’appelle pour l’examiner ainsi que son épouse.
Dans ce moment, comme patient, il me devient l’homme le plus important au monde ; un peu impressionnée, je m’approche de ses yeux, je suis gênée par la barrière de la langue, je voudrais être sûre qu’il comprend les enjeux.
Et il y a WYN 1999 … 200 pratiquants l’accueillent avec un beau 1er duan.
Comme présidente de l’ATA je suis chargée du discours d’accueil.
Je décide de parler directement en chinois. Or mon chinois de l’époque est squelettique.
Alors j’ai fait enregistrer sur cassette audio le discours lu par un ami locuteur chinois et lors d’un long voyage en voiture je me suis passé la cassette en boucle jusqu’à ce que mon accent colle au modèle et que ce soit compréhensible.
Cette petite surprise fut en quelque sorte mon cadeau surprise de bienvenue à Maître Wang et j’ai aimé son sourire.
Certains se souviennent sans doute de l’atelier d’épée de Wyn 99… c’est un souvenir cuisant : l’épée est un machin ingrat auquel Maître Wang accordait une grande importance ; mes efforts étaient vains, la chaleur m’empêchait de me concentrer et j’avais décidé d’aller filer un coup de main en cuisine : bref j’étais là en pointillés, dilettante.
Et c’est là que Maître Wang a décidé une interrogation « écrite » sur l’épée.
Dans la foule des pratiquants il a cherché une « victime » et chacun tentait d’échapper à son regard ; or j’étais trop visible avec ma jupe orange flashy et je crois même que j’avais un chapeau aussi orange.
Bref, quand il a voulu un volontaire pour la 6ème séquence de l’épée, il a désigné la tâche orange noyée dans la foule.
Juste avant moi François Marchal avait fait un beau 5 ème duan que Lao Shi avait réussi à critiquer … j’ai tenté de négocier pour me défiler, en vain ! dans la foule un ami essayait de m’aider en déplaçant un stylo.
J’ai été minable, comique et ridicule Tous rigolaient et Maitre Wang qui n’avait pas la réputation de plaisanter avec le tai chi riait aussi de bon cœur.
A la fin de mon supplice, j’ai présenté mes excuses à Lao She… Je rappelle que j’achète un bon prix les vidéos et photos de ces instants humiliants qui resteront dans les annales de l’épée.
Lors du dernier repas des rencontres, je lui ai lancé en retour un mini défi : je lui ai montré la séquence de l’origami d’étoile à 6 branches que j’avais l’habitude de semer partout. Je m’imaginais qu’il allait flancher mais il s’en est sorti comme un chef … respect !
En réalisant cet origami difficile il m’a donné une leçon : il m’a montré qu’on peut toujours apprendre et progresser.
Il m’arrive encore de pratiquer l’épée : quand arrive ce foutu 6ème duan de l’épée (que je ne maitrise toujours pas ) je revois Maître Wang consterné et hilare…